Avant cas cliniques :
Ce fût celui d’un vieux domestique chargé de la culture d’un domaine, mort depuis longtemps, mais dont le souvenir demeure dans son pays. Voici l’histoire d’un dénommé Branot contée par son propre apprenti et ami qui se souvient. Elle représente, pour l’hygiéniste, un véritable enseignement.
L’art de guérir
Il avait 14 ans, et ils étaient en août, donc en vacances, il parle évidemment pour les collégiens qui l’écoutent.
Branot venait de ramener son troupeau de la pâture située en P., vers la route de Rougemont. Il l’attendait, comme d’habitude, pour l’ « aider » à attacher les vaches à l’écurie. Il aimait faire ce travail. Aussi Branot lui avait-il appris – seul moyen d’éviter les coups de cornes – à poser son menton sur le cou de l’animal, immédiatement derrière les oreilles, tandis qu’il attrapait les chaînes.
Son vieil ami commençait à un bout de l’étable, lui à l’autre. Ils avaient chacun cinq vaches à attacher. S’il perdait du temps, il s’arrangeait pour en perdre également et ne jamais terminer avant lui.
Ce jour-là, contrairement à son habitude, il se mit à injurier Poumone, une génisse de 3 ans, la seconde à partir du fond, comme jamais encore il ne l’avait entendu.
Lorsqu’ils sortirent quelques minutes plus tard, il comprit enfin les motifs de ses vociférations : sa joue droite présentait, presque en son centre, un large orifice, celui-là même que venait de lui infliger Poumone, d’un coup de corne, en détournant la tête. Branot donnait bien des conseils, mais à l’usage d’autrui …
Il eut aussitôt l’idée d’aller chercher un quelconque flacon d’alcool ou de teinture d’iode.Laisse donc, lui dit Branot, demain il n’y paraîtra plus et, prenant un morceau de toile d’araignée, il l’appliqua directement sur la blessure.
Le lendemain matin, consciencieusement, Branot avait remplacé son pansement original par une bouillie d’herbes amassées le long du chemin qui descend vers la cure. Il croyait se souvenir qu’il y entrait du plantain, peut-être également de la feuille de noyer.
Branot avait certes péché par excès d’optimisme en prévoyant sa guérison dans les 24 heures. Mais une semaine plus tard, la plaie était parfaitement cicatrisée : comme chaque dimanche, le vieux domestique put se raser avant l’heure de la messe.
Ignorant de beaucoup de choses, un enfant n’a pas pour habitude de s’étonner de ce qui logiquement en vaudrait la peine. Mais il avait tout de même entendu parler du fumier et du tétanos, de tous les microbes nocifs rencontrés dans la terre et sur les cornes des vaches.
Les vertus cicatrisantes et antibiotiques (ce terme est un langage relativement récent) de la toile d’araignée et de certains végétaux n’avaient donc pas laissé de le surprendre, non plus que certains habitants du village.
Ils ignoraient tous, bien entendu, la nature des principes actifs de ces végétaux comme – pour tout dire – de tous les autres.
A Branot également, cela va sans dire, mais il en connaissait les propriétés curatives et s’en contentait* .
* En Europe seulement, on compte plus de 500 plantes qui sont utilisées, Quelques-unes dans la thérapeutique officielle de beaucoup de nations, les autres, qui sont la majorité, ne jouissant que d’une réputation locale, et cela depuis des siècles, sinon des millénaires ». (Professeur Perrot).