DIFFUSION
Auteur : Alain Didier
LISTE DES PERSONNAGES
PONCE PILATE, gouverneur (1) de Judée. PUBLIUS, son secrétaire. CLAUDIA PROCULA, épouse de Pilate. CECILIA, sa suivante. ABENADAR, officier romain(2). CASSIUS, officier romain(3). LICTEURS, BUCCINATEURS, SOLDATS ROMAINS.
HERODE (ANTIPAS), tétrarque de Galilée. CAÏPHE, grand prêtre du Temple de Jérusalem, membre « majoritaire » du Sanhédrin ou Grand Conseil Juif. JOSEPH D’ARIMATHIE, membre « minoritaire » du Sanhédrin. NICODEME, membre « minoritaire » du Sanhédrin. BARABBAS, brigand. GARDES ET MANIFESTANTS JUIFS.
LE SEIGNEUR JESUS-CHRIST(4). MARIE, sa mère. PIERRE, chef des apôtres. JEAN, apôtre. LAZARE , disciple de Jésus. (MARIE) MADELEINE, sa sœur(5). LA VOIX D’UN AGE.
Acte I – scène III
ACTE I
Ponce Pilate, Notre Seigneur Jésus-Christ ; sur le seuil, Abenadar et Cassius ; un moment, Publius.
SCENE III :
PILATE
Parleras-tu, Jésus ? Tu n’as rien objecté
au prêtre qui s’acharne à te persécuter.
Le verdict qui te frappe et qui te terrorise
ne s’exécutera que si je l’autorise.
Si tu veux vivre, il faut répondre à mes questions
sans me dérober rien de ta situation
(début de citation. Passage du vers à la prose)
« Es-tu le roi des Juifs ?
NSJC
MA ROYAUTE NE VIENT PAS DE CE MONDE. SI MON ROYAUME ETAIT DE CE MONDE, MES TROUPES AURAIENT COMBATTU POUR QUE JE NE TOMBE PAS AUX MAINS DES JUIFS. MAIS JE TE LE DIS EN VERITE : MON ROYAUME N’EST PAS D’ICI-BAS.
PILATE
Ainsi donc, tu es roi ?
NSJC
JE SUIS NE, JE SUIS VENU DANS LE MONDE POUR RENDRE TEMOIGNAGE A LA VERITE. TOUT HOMME QUI APPARTIENT A LA VERITE ECOUTE MA VOIX.
PILATE
Qu’est-ce que la vérité ? » 14
(fin de citation. Retour de la prose au vers)
(Pilate se détourne du Christ et parcourt nerveusement la terrasse. En revenant, à part)
Personne en sa faveur ici ne se soulève.
Etrange royauté sans apparat ni glaive !
Ni Rome ni César ne sauraient s’alarmer
de cette vérité qu’il ose proclamer.
(à Jésus)
Je ne retiendrai pas contre toi le blasphème
dont Caïphe et les siens font sujet d’anathème.
L’ordre public est sauf, et cela me suffit.
Mais je ne comprends pas ta cause et ton défi.
Tu parais te résoudre au plus affreux supplice
et marcher à la mort ainsi qu’au sacrifice.
NSJC
C’est pour toi que je meurs, et pour l’humanité.
Il faut que mon amour passe sa cruauté.
Je souffre et cependant mon triomphe consomme :
la puissance de Dieu n’est pas celle des hommes.
PILATE, à part.
Son mystère profond laisse désemparé.
Il ne se défend pas comme je l’espérais.
(nouvel aller-retour à la terrasse)
Contre son propre roi cette foule s’agite.
Un groupe de furieux la travaille et l’excite.
(regardant Jésus)
Or je dois le sauver, puisqu’il est innocent.
Cherchons à contrarier leur vengeance et leur plan…
(au Christ)
Es-tu Galiléen ?
NSJC
Je suis sujet d’Hérode.
PILATE, à part
Pour me couvrir, voici la plus sûre méthode !
Le tétrarque est ici : La Pâque le requiert.
(il fait un signe à Abenadar, qui sort un instant
et revient avec Publius, auquel Pilate dicte le
message suivant)
« Cher Hérode, oublions nos différends d’hier13.
On me donne à juger Jésus de Galilée.
Le Sanhédrin est lourd de haine accumulée.
Comme votre sujet, pour moi, est innocent,
je m’en rapporte à vous pour épargner son sang ».
(il appose sa marque sur le rouleau, congédie le secrétaire et réintroduit Caïphe et les gardes juifs)
SCENE IV :
Les mêmes, Caïphe, gardes juifs.
PILATE, confiant le parchemin à Caïphe.
Je ne trouve en Jésus nulle trace de crime.
Je l’envoie à Hérode, à qui va mon estime.
CAÏPHE, se ressaisissant de Jésus.
Pilate, croyez-vous bien servir l’empereur ?
Puissent bientôt vos dieux vous convaincre d’erreur !
(il part rageusement avec le Christ et ses soldats)
SCENE V :
Ponce Pilate ; sur le seuil, Abenadar et Cassius.
PILATE, se tournant vers l’autel
Mes dieux ! De tous côtés mon âme est entraînée.
J’ai hâte que finisse une telle journée,
mais ne sais si la guerre ou la paix prévaudra
quand la Pâque des Juifs ici s’achèvera.
(entre Claudia Procula)
SCENE VI :
Les mêmes, Claudia Procula
CLAUDIA
Je vous revois, Pilate, et Jésus n’est pas libre !
Pensez-vous que le vrai et le faux s’équilibrent
et qu’un combat se gagne à être différé ?
Il est temps de juger, non de délibérer.
PILATE
Ce n’est pas sans dessein qu’ainsi je temporise :
la division des Juifs est tout ce que je vise.
A ma juste requête Hérode accédera.
CLAUDIA
Hérode est un renard, doublé d’un scélérat.
Il ne vous aime pas, et supporte à grand’peine
qu’un tuteur étranger le contrôle et le freine.
Il pourrait à vous nuire oser s’aventurer
en ne soutenant pas Jésus défiguré.
Ne vous souvient-il pas de ce rude prophète
qu’il fit décapiter dans l’émoi d’une fête :
ce Jean dit le Baptiste…
PILATE, protestant.
Il en a le remords
et Jésus le fascine et l’impressionne fort.
Si le Nazaréen d’un miracle l’honore,
il le gratifiera d’une nouvelle aurore.
Hérodiade elle-même en perdra son pouvoir
et j’aurai accompli, grâce à lui, mon devoir.
CLAUDIA
Vous remettez le sort du maître de la terre
à votre plus intime et perfide adversaire !
Vous hasardez beaucoup. Mais si vous échouez,
si l’avenir s’obstine à vous désavouer,
si bien qu’il n’ait commis ni blasphème ni crime,
Jésus de cette Pâque est l’injuste victime,
craignez que votre anneau n’éclaire plus mon doigt
et que nous nous voyions pour la dernière fois !
(elle sort)
SCENE VII :
Ponce Pilate, Abenadar, Cassius.
PILATE, à part.
Vous qui me soupçonnez d’être un lâche ou un traître,
avez-vous affronté, comme moi, le grand prêtre ?
Avez-vous mesuré l’âpreté du combat,
défendu ce Jésus, qui ne se défend pas ?
(après avoir parcouru, une nouvelle fois, la terrasse)
Avez-vous vu monter la plèbe qui fermente,
l’émeute que l’argent des Pharisiens fomente
pour imposer la mort de ce Galiléen ?
Rome doit-elle unir son intérêt au sien ?
(se débattant)
Pardonnez-moi, Claudia : le doute m’accapare…
(après réflexion)
Si Hérode me lâche, il faut que je prépare
une nouvelle issue…
(il appelle ses officiers auprès de lui)
Abenadar, c’est vous
qui avez capturé cet homme aux yeux de loup,
ce magicien pervers, cet éventreur de femmes
qui, tandis qu’un quartier était livré aux flammes,
y perpétra un meurtre et bien d’autres méfaits…
Quel est son nom déjà ?
ABENADAR
Barabbas15.
PILATE
En effet !
S’il inspire l’horreur, il peut nous être utile.
Assurez-vous de lui.
(départ d’Abenadar et de Cassius)
La manoeuvre est subtile…
Par Hérode ou par elle, enfin, Jésus vivra.
Pilate, dira-t-il, des Juifs me délivra.
(changement de décor. La terrasse du jugement occupe à présent toute la scène, face au public qui tient la place de la foule, de manière à se sentir à la fois menacé par les pulsions grégaires et impliqué dans la responsabilité de la passion de Christ.
Sur un trépied sont posés les insignes de la dignité de Pilate. On distingue également un bassin pour les ablutions et des aigles romaines.
Des licteurs, des buccinateurs (joueurs de trompettes militaires), le secrétaire, des officiers (Abenadar, Cassius) et des soldats entourent Pilate. Leur tension doit être visible, face à une foule qu’ils redoutent de ne pouvoir contenir).
SCENE VIII :
Ponce Pilate, Notre Seigneur Jésus-Christ, Barabbas, fonctionnaires et soldats romains, manifestants juifs (disséminés dans le public).
(Pilate et Jésus, renvoyés par Hérode, s’avancent vers le devant de la scène. A l’arrière-plan, on devine Barabbas, enchaîné entre deux soldats)
PILATE triomphant
Hérode à mon avis lui-même se rallie.
Jésus nous apitoie et nous réconcilie16.
(murmures réprobateurs dans l’assistance)
Rien de ce qu’il a fait n’a mérité la mort
et le tétrarque à moi s’en remet de son sort.
(nouveaux murmures)
Rome ne juge pas sans motif et sans preuve.
Jésus de Nazareth est sorti de l’épreuve.
Vous devez l’acquitter. N’a-t-il pas trop souffert ?
(des cris « A mort ! » commencent à fuser et à s’amplifier. A part)
Hérode me nuit plus, hélas ! qu’il ne me sert…
(jouant son va-tout)
La coutume, à la Pâque, est que je vous libère
un de nos prisonniers. Ainsi le veut Tibère.
(il fait signe aux soldats d’amener Barabbas sur le devant de la scène)
A ma droite, Jésus, roi des Juifs, innocent ;
Barabbas à ma gauche, un criminel de sang. Lequel choisissez-vous ?
(une voix grêle, héroïque mais solitaire, répond : « Jésus de Nazareth ! » Pilate sourit et adresse un geste discret, de côté, à quelqu’un qu’on ne voit pas, mais qu’on devine être Claudia Procula, Implorant)
Un peu plus d’énergie !
C’est de vous que j’attends la justice et sa vie.
(lourd silence, puis)
LES MANIFESTANTS
Barabbas ! Barabbas !
(la rumeur s’enfle et devient universelle)
PILATE, aux soldats
Délivrez Barabbas !
(aussitôt délié, celui-ci fait un bras d’honneur en direction des Romains et se perd parmi les spectateurs. A part.)
Ma police humiliée !
(tourné vers Jésus)
Et Lui ne parle pas !
Lui, dont tout le parcours est semé de prodiges,
s’abandonne au trépas que cette foule exige !
S’il la bravait pourtant, Rome serait pour lui.
Mais quoi ! Même les siens se taisent ou ont fui,
désarmés comme moi par son affreux silence.
Àlors que seul, j’affronte une telle violence,
il manque à son destin ! N’est-ce pas criminel ?
(il lève le bras et fait sonner de la trompette)
Jésus sera puni, en ce jour solennel,
par cent coups de fouet sur la place publique !
Et que l’ordre revienne, et que la loi s’applique.
(baisser de rideau, pendant lequel on n’entend plus que le sifflement des fouets et les hurlements sauvages des bourreaux).
SCENE IX :
les mêmes, moins Barabbas, puis Caïphe.
(des soldats traînent Jésus devant Pilate. Le Christ est à présent couronné d’épines et vêtu d’un manteau écarlate)
PILATE
« Ecce homo ! »
(le gouverneur savoure un instant l’effet produit par un spectacle aussi lamentable. Profitant d’une accalmie dans les murmures et les imprécations)
Jésus, pour la dernière fois,
arbore le diadème et la pourpre d’un roi.
S’il aspira jadis à régner en Judée,
son espérance est morte et sa coupe vidée.
Laissez-le donc aller, ce châtiment suffit.
Il n’a rien fait de mal, je vous l’ai déjà dit.
(un formidable hourvari accueille ces paroles. Les cris « A mort ! », « Crucifie-le ! » retentissent de plus belle. Soudain, le grand prêtre Caïphe se porte au premier rang de l’assistance, la prenant à témoin, puis apostrophant Pilate)
CAÏPHE, au public
Ô peuple d’Israël, est-il pire imposture
que Dieu prostitué par une créature ?
Le Messie annoncé n’est pas encor venu
et ne peut en Jésus être ici reconnu17.
Il ne reste de lui qu’un insigne blasphème.
Les Juifs qui l’ont suivi sont en péril extrême.
(à Pilate)
Les Anciens ont traité ce dossier comme il faut.
Vous n’avez à juger ni le vrai ni le faux.
Puisque Rome a voulu, dans son omnipotence,
que son sceau donne force à de telles sentences,
nous respectons son droit. Respectez notre Loi,
puisque Israël est libre en matière de Foi.
PILATE, levant le bras.
Il n’est pas temps encor. Qu’on dégage la place !
Que Pilate et Jésus soient laissés face à face.
(Les soldats romains se portent sur le devant du théâtre et repoussent Caïphe sans ménagement. Le rideau s’abaisse un instant. Quand il se relève, il n’y a plus sur la scène que le Christ et le gouverneur)
SCENE X :
Ponce Pilate, Notre Seigneur Jésus-Christ.
PILATE
Es-tu un homme, es-tu un dieu, es-tu un roi ?
Jésus de Nazareth, de grâce, réponds-moi.
Moi seul ai le pouvoir de te rendre à la vie
ou de signer l’arrêt pour qu’on te crucifie18.
NSJC
(début de citation, Passage du vers à la prose)
« TU N’AURAIS AUCUN POUVOIR SUR MOI S’IL NE T’AVAIT ETE DONNE D’EN HAUT. C’EST POURQUOI CELUI QUI M’A LIVRE A COMMIS UN PECHE PLUS GRAVE. »19
(fin de citation. Retour de la prose au vers)
PILATE
Je le tiens de César, ce pouvoir souverain
NSJC
A mon Père César ne doit-il pas le sien ?
PILATE
Distingué par Auguste, il le doit au génie
qui brille dans des lois que chacun nous envie.
NSJ
D’un ordre supérieur elles sont le reflet
ou ne méritent pas l’éloge qu’on en fait.
PILATE
Cet ordre, quel est-il ?
NSJC
La volonté du Père,
hors de laquelle il n’est que l’égal arbitraire
du tyran dont la force est le seul argument
ou de la foule prompte à suivre qui lui ment :
« vox populi » douteuse et bien mal assurée
si quelque vérité s’est par moi déclarée.
PILATE
De sa fureur, ici, je cherche à te sauver.
NSJC
Tu prendras place aussi parmi les réprouvés.
Moi seul suis le Sauveur, mon heure est arrivée
et ma marche à la Croix ne peut être entravée.
PILATE, avec toute la passion des Anciens pour la divination.
Dans le Livre des Juifs lirais-tu mon destin ?
S’il est vrai que mon sort repose entre tes mains,
quel hasard m’a du tien établi responsable ?
T’ai-je déjà jugé, pour être punissable ?
NSJC
L’Ecriture est muette au sujet des Romains,
mais Rome et sa puissance existent pour demain.
Quant à toi, ton passé voué à ta carrière
entre le Ciel et toi élève une barrière.
Je t’ai vu, pour gravir les marches du pouvoir,
recourir à l’intrigue au mépris du devoir.
Tu trompas Metellus et, par la calomnie,
as fait bannir Strator jusqu’en Lusitanie 20...
PILATE, à part.
Prophète, il est, sans doute et témoin fort gênant !
(au Christ)
Puis-je être pardonné ? Que faire maintenant
NSJC
Les Anciens d’Israël, rejetant la Lumière,
ont déserté le rôle imparti par mon Père.
Avec le petit reste attentif à ma voix,
il va renouveler l’univers par la Foi.
Avant cela, l’épreuve est au bout de la route.
Si tu me suis, Pilate, apprends ce qu’il en coûte :
ne crois pas que le Mal, si tu me délivrais,
devant l’aigle romaine ainsi désarmerait.
Nous serions déchirés par la foule qui gronde,
au jour fixé depuis l’origine du monde !
Moi, dont s’accomplirait la mission qui m’échoit,
toi, par ce sacrifice ayant part avec moi !
Es-tu prêt ?
PILATE, épouvanté.
A périr ?
NSJC
a entrer dans mon règne.
Après la mort, il n’est plus rien qui nous atteigne
et la splendeur du Père enfin te ravira !
PILATE, après un rapide calcul.
Je préfère survivre, encore, à ce prix-là
et te remettre aux Juifs !
NSJC
Tu as choisi, Pilate.
N’accuse pas le Ciel si demain ne te flatte.
Je te vois disgracié, traînant en divers lieux
le poids d’un lourd exil. Ni un fleuve fougueux 21
ni un lac où les monts plongent leurs pentes raides 22
ne guérissent ton cœur du remords qui l’obsède
Ainsi tu survivras… Mais toi mort, on dira :
il a cru juger Dieu, mais Dieu le jugera23.
PILATE, à part.
Un combat terrifiant dans mon âme se livre :
ou mourir avec lui, ou malgré lui survivre.
(après une ultime réflexion)
Une chose est certaine : il en sait trop sur moi,
ce qui pourrait conduire à étouffer sa voix 24.
(il lève le bas, une sonnerie de trompette retentit et les assistants de la scène IX reprennent place sur la scène)
SCENE XI :
les mêmes, fonctionnaires et soldats romains, manifestants Juifs (dans la salle) ; un moment, Caïphe.
(le mouvement de cette scène reproduit, en l’aggravant, celui de la scène IX)
PILATE, avec une lassitude visible.
Après cet entretien, son innocence éclate.
Je dois donc libérer Jésus en toute hâte
de peur que pour la Pâque, un sang ne soit versé
dont l’opprobre à jamais ne puisse être effacé.
(les clameurs : « A mort! », « Crucifie-le ! » recommencent à s’élever. Caïphe monte à nouveau à l’assaut)
CAÏPHE
La Pâque est notre affaire, et celui qui la trouble
est celui dont le zèle obstinément redouble
à ne pas envoyer tout de suite à la mort
l’homme dont le Conseil a décidé du sort.
L’empereur apprendra que cette réticence,
qui met Jérusalem en folle effervescence,
menace la concorde et le protectorat,
exposant la Judée aux coups des scélérats.
(les cris de mort s’intensifient)
PILATE, à part.
César, à qui complaire est toute mon étude,
pourrait, en ce procès, flétrir mon attitude !
Le crédit de Caïphe à Rome est-il si grand ?
Mais le mien suffit-il à préserver mon rang ?
(aux Juifs)
Puisqu’il en est ainsi, saisissez votre proie.
Mais dans cet attentat, mon bras ne se dévoie.
(Il plonge ses mains dans la cuve à ablutions et les brandit devant le public)
Une dernière fois, Jésus est innocent.
Les deux mains que voici sont propres de son sang !
LES MANIFESTANTS
Qu’il retombe sur nous, sur nos fils et nos femmes,
pour sept générations ! Mets en croix cet infâme !
PILATE
N’est-il pas votre roi ?
CAÏPHE
César est notre roi.
Nous le reconnaissons, respectez notre Foi.
(avec des gestes d’automate, Pilate se pare des insignes de sa dignité. Un buccinateur lance un appel lugubre)
PILATE, solennel et mécanique.
Vingtième année, ici, du règne de Tibère,
Pâque : le Sanhédrin dans la nuit délibère
et conclut que Jésus doit être exécuté
car il s’est investi de la divinité
et fait le roi des Juifs au mépris de l’empire.
Moi, Pilate, entendu ce qu’il avait à dire,
confirme que les faits qui lui sont reprochés
lui valent à la croix d’être enfin accroché25.
(silence de mort. Les soldats s’emparent du Christ)
SCENE XII :
Ponce Pilate, Caecilia.
(changement de décor. Cette scène a lieu dans celui des scènes I à VII. Au lever de rideau, Pilate, chancelant, revient de la tribune où il a prononcé son arrêt. Entre Caecilia)
CAECILIA
Seigneur, pardonnez-moi. La sentence rendue
provoque le départ d’une épouse éperdue.
(restituant à Pilate le gage confié à Claudia Procula à la scèneI)
Reprenez cet anneau dont elle avait pensé
que le doux souvenir pût vous influencer.
PILATE
Par où a-t-elle fui ? Retiens-la, je l’exige,
ou quitte ce palais que la douleur afflige !
CAECILIA
Il n’est plus temps seigneur : brûlant de réparer
la part que son échec a prise à cet arrêt,
elle a choisi de vivre au milieu des fidèles
de ce Nazaréen, leur chef et leur modèle26.
PILATE
Mais ils seront proscrits de l’empire romain !
CAECILIA
Elle espère un Sauveur pour tout le genre humain.
(Pilate se dirige, à grand’peine, vers l’autel païen)
PILATE
Vous qui m’abandonnez, dieux et mânes de Rome,
n’attentez pas aux jours du plus triste des hommes !
(il s’effondre, brisé)
Auteur, famille cousin germain : Alain Didier,
(A suivre)
(14) Jn XVIII, 33 à 38a
(15) Barabbas avait commis un meurtre dans une émeute (Lc. XXIII, 19; Mc. XV,7) « exercé la magie, eventré des femmes enceintes et s’était rendu coupable de bien d’autres crimes que j’ai oubliés » (ACE, XXI). C' »était un brigand » (Jn. XVIII,40).
(16) « En ce jour, Hérode et Pilate devinrent amis l’un de l’autre ; car auparavant, ils étaient ennemis » (Lc XXIII,12)
(17) C’est encore la conviction du judaïsme actuel, malgré l’arrêt des prophéties et la dispersion des Juifs pendant plus de 1.800 ans. Mais du temps de Jésus, la secte des Hérodiens voyait le Messie dans Hérode le Grand, voire dans ses descendants ou les empereurs romains (MG, « Les Hérodiens », IX et X).
(18) Selon Mgr Gaume, Pilate, comme la foule, déduisit de la préférence donnée à Barabbas sur Jésus que celui-ci était désormais justiciable du même supplice que ce criminel, alors que son « blasphème » ne l’exposait qu’à la lapidation, jugée moins infâmante (MG, « Pilate », XXII et XXIII). Cette condamnation permettait, par ailleurs, que le Christ subît sa peine entre les deux larrons.
(19) Jn. XIX, 11. Tout en reconnaissant le pouvoir sur lui que lui donne l’exequatur, Jésus annonce ainsi à Pilate qu’il va pécher en mésusant, moins gravement certes que Caïphe qui a contribué à sa condamnation à mort.
(20) « Metellus » et « Strator » sont des personnages fictifs, mais, d’après Anne-Catherine Emmerich (ACE, XXIV et XXV), Jésus fit voir à Pilate « la vérité et l’état effrayant de son âme » et lui révéla « ses crimes les plus secrets ».
(21) ALLUSION AU RHÔNE, qui baigne le site d’EXIL DE vienne, en Gaule (cf., sur ce point, note 58).
(22) ALlusion au lac suisse des Quatre-Cantons, dominé par le mont Pilate, qui doit peut-être son nom, plutôt qu’à un exil non attesté, aux légionnaires des régions alpines qui servaient alors à Jérusalem (ACE, XIX).
(23) Jésus prédit à PIlate « le sort qui l’attendait et sa fin misérable dans l’exil ; il ajouta que le Fils de l’homme viendrait un jour prononcer sur lui un juste jugement »(ACE, XXIV).
(24) Pilate « se dit en lui-même » : « S’il meurt, ce qu’il sait sur mon compte et ce qu’il me prédit sera enseveli avec lui dans le tombeau » (ACE, XXV).
(25) D’après un vieil historien, Adricome, la sentence orale aurait été la suivante : « Jésus de Nazareth, perturbateur du peuple, contempteur de césar et faux messie, comme il a été prouvé par le témoignage des anciens de sa nation, sera conduit au lieu ordinaire du supplice et, par dérision de sa majesté royale, crucifié entre deux voleurs. Va, licteur, prépare les croix » (MG, « Pilate », XXXI). Anne-Catherine Emmerich donne, en substance, une version similaire (CE, XV).
(26) Selon Anne-CAtherine Emmerich, les amis de Jésus cachèrent Claudia dans un souterrain sous la maison de Lazare, à Jérusalem (ACE, XXV). Sur son destin, cf. note 57.
Image Pixabay Jules César